Accord Rouget / Vins
En Vendée et dans la région de Cherbourg, il est « rouget de roche » ou « surmulet » : rose vif et rayé de doré, il se reconnaît à ses deux écailles sous les yeux. Près d’Arcachon ou en Méditerranée, c’est un poisson d’eau profonde, et on le dit alors « rouget barbet », plus rarement « barbarin » : plutôt brun-rouge avec des reflets vert olive, il possède… une troisième écaille en guise de lunettes de soleil.
Considéré comme l’un des meilleurs poissons de nos côtes, il n’est pas très abondant et donc coûteux, même s’il s’épanouit de la fin du printemps jusqu’à l’automne. Sa chair très fine est particulièrement fragile. Les plus petits spécimens ne nécessitent pas d’être vidés, en revanche il faut impérativement procéder à l’opération le plus rapidement possible pour les pièces plus importantes, sous peine de ne pouvoir les écailler ensuite qu’avec difficulté. Dans tous les cas, on veillera à conserver les foies pour tenter d’en faire une sauce aussi délicieuse que celle de Frédy Girardet, l’artiste de Crissier (Suisse).
Il existe de multiples manières d’accommoder les rougets : au four, en papillotes, à la nage, et même « en mille-feuille de chou à la moelle » comme Alain Dutournier (mais tout le monde n’a pas sa virtuosité…). Pour ma part, je préfère une préparation plus estivale : une salade froide de poissons simplement poêlés, avec des tomates et des olives noires. C’est un plat riche en saveurs complémentaires grâce à l’amertume des olives, au iodé du rouget et à l’acidité de la tomate. Et en ajoutant quelques herbes aromatiques, notamment du basilic, on en développera encore l’intensité.
Blancs ou rosés, la plupart des vins de soleil, notamment ceux de Méditerranée, se feront ici complices enjoués. Je songe évidemment à ceux de Provence. Mais le bonheur pour moi se cueille au Domaine des Diables, près de la montagne Sainte-Victoire. Son rosé est un feu d’artifice dès qu’on met le nez dans le verre : fruits rouges – framboise, fraise des bois – avec des notes mentholées. La bouche est légère, friande et parvient sans peine à compenser le caractère un peu salé du poisson. On retrouve là tout le charme du Sud, mais avec une élégance et une finesse exceptionnelles. Le Château Calissanne mérite lui aussi l’attention. Au nez, des notes de sauge, de thym, de cerise, de rose ; en bouche, une légèreté rafraîchissante et souple, avec beaucoup de rondeur. Et un certain « gras » qui lui apporte une suavité bienvenue pour équilibrer le salé et l’amertume du plat. Enfin le Château Maravenne, à La Londe, produit en viticulture bio des vins très agréables, dont un rosé qui épousera idéalement les saveurs iodées du rouget.