Les papilles, Préservez les, restez confinés !
Mais pourquoi donc les sommeliers s’évertuent ils à proposer un verre de Champagne à leurs clients en apéritif ?
LES PAPILLES, UN RÔLE ESSENTIEL
C’est ainsi que Bernard Werber définit dans « l’ultime secret » la fameuse papille. Situées sur le dessus de la langue, elles nous permettent de ressentir différentes saveurs localisées en différents endroits.
Sur le bout de celle-ci, le sucre. Sur les côtés, le salé, encerclant le centre de la langue, l’acidité, et au fond, l’amertume.
ET LA SALIVE ?
En fait, c’est la salive qui jouera un rôle important dans l’expression et la circulation des diverses saveurs et molécules odorantes et gustatives des vins, et autres produits alimentaires. En ‘mâchant’ le vin, c’est à dire en liant votre salive au vin, alors, vous pourrez enfin ressentir proprement le vin. Celui-ci gagnera en volume, en énergie, dans la mesure où vous rentrez enfin en contact avec le vin, de manière complète, tactilement. En ‘grumant’, impossible, ce qui semble expliquer les limites de cette méthode de dégustation inefficace.
« La langue est recouverte de petites protubérances roses. A l’intérieur de chacune d’elles, se trouvent des bourgeons, amas de cellules nerveuses ovoïdes percés d’un pore à leur partie supérieure. Les messages nerveux qu’ils transmettent au cerveau sont interprétés, selon le goût de l’aliment, en sucré, salé, acide ou amer. »
Bernard Werber, ‘L’ultime secret’
ATTENTION, PAPILLES FRAGILES
Le barman jonglant entre les bouteilles, et le shaker prend souvent un malin plaisir à faire de même avec les papilles si fragiles des clients. Mixologies d’ingrédients sucrés, de boissons, d’alcools, et parfois de textures peuvent décontenancer les micro-organismes essentiels à la perception des saveurs…
D’un coté, le protecteur des papilles, de l’autre, le destructeur…voici sans doute l’ambiguïté liant le barman au sommelier. Ces papilles font partie des outils sensoriels les plus élaborés et perfectionnés de l’organisme. Mais aussi les plus fragiles.
Ainsi, dans le cadre d’un dîner, il sera vital de les protéger et de ne pas les anesthésier.
L’APÉRITIF
Ce moment de convivialité a pour seul but, d’éveiller l’appétit, ouvrir du mot latin ‘aperire’. Et donc d’aiguiser les papilles. Prémunir celles-ci de la saturation…
LA RÈGLE
Comme il serait difficile de débuter un repas par une tarte au chocolat suivi d’une salade d’endives, il en sera de même avec un whisky suivi d’un vin rouge. Afin de rester cohérent, il vous faut vous souvenir de cet ordre presque immuable !
Vin mousseux, vin blanc, vin rouge et vin moelleux (sucré)
Changer l’ordre de dégustation de ces vins compromet la cohérence de tout un repas. Débuter par un vin sucré, est une erreur encore trop usuelle. Saturées par la persistance du sucre, les papilles ne pourront exercer leur pouvoir de perception avec un vin rouge.Celui-ci paraîtra insipide, ses tanins sembleront rugueux, et fermes. Terminer par un vin mousseux, après un vin rouge, vous donnera la désagréable impression de vous sentir agressé.
Du mot latin ‘aperire’, qui veut dire ‘ouvrir’ l’appétit, l’apéritif est la rampe de lancement d’un repas. Débuter par le vin le plus acide afin d’éveiller les papilles et de faire saliver puis monter en puissance, afin de conclure sur le sucre, voilà le cheminement le plus cohérent.
LA SOLUTION EN APÉRITIF
Le Champagne offre fraîcheur et persistance des bulles, qui ont la bonne idée de taquiner les papilles, sans les écraser. Cette entrée en la matière est remarquable. Servir entre 6/7° pour les mauvais Champagnes, ça existe… 10 et 12° pour les cuvées classiques, à 13/14° pour les grandes cuvées. Mais il existe également de très bonnes ‘bulles’ issues de vignerons pointilleux, en Ayse, Montlouis, Vouvray ou autres Crémants, par exemple.
Autre solution, celle consistant à débuter par un vin blanc, sec, expressif en fruit, et aérien. Les vins allemands, tels les « Kabinetts », sur le cépage riesling sont remarquables de finesse, et très aériens, titrant bien souvent moins de 11° d’alcool. Mais n’oublions pas les vins blancs secs bien de chez nous, Sancerre, Pouilly-Fumé, ou les tranchants et incisifs Muscadets et Gros Plants…les vins de Chablis, et j’en passe et non des moindres. Toujours cette idée de combiner les acidités afin d’aiguiser les papilles.
Ou dans le cas où le client est seul, et ne désire pas trop boire, alors, proposez lui le vin de son repas. Sur le dessert, un vin moelleux saura conclure avec gourmandise un repas. En faisant en sorte de rapprocher les saveurs du mets à ceux du vin.
LES ACCOMPAGNEMENTS
Si les papilles peuvent se montrer déstabilisées par des boissons trop opulentes en alcool, elles peuvent être décontenancées par des accompagnements trop savoureux.
N’oubliez surtout pas les fromages de chèvre, par exemple, un crottin de Chavignol, ou un Sainte Maure de Touraine, voire un fromage de vache tel le Chaource. Sancerre blanc, Chablis…tant d’alliances formidables afin de débuter le repas, ou l’apéritif. Il vous faudra proposer des accompagnements croquants, aériens, qui permettent d’assurer au mieux leur rôle de démarrage.
A cet effet, les crudités, tels les concombres, les carottes, voire les radis, couplés à une crème fraîche légère aux herbes, sauront tenir ce rôle.
Emmanuel Delmas
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