LES ACCORDS METS VINS d’ Emmanuel Delmas
Mon secret pour réussir les accords, sont en fait un ensemble d’étapes!
Emmanuel Delmas (sommelier-vins.com)
Je vous liste mes secrets pour mieux construire vos accords
- Garder en tête les règles essentielles et la règle d’or: ne jamais regretter le vin précédent.
Monter en puissance, dans le plaisir est important.Respecter l’ordre suivant :
Vin effervescent, vin blanc puis vin rouge, et vin moelleux.Mais cet ordre peut parfois évoluer. Par exemple, un vin blanc après un vin rouge passe à merveille, à qualité égale. (pour éviter de regretter le vin précédent)Ainsi, un beau Chablis avec un Chaource, après un Chinon avec une viande, est complètement envisageable.
Rappelez-vous une autre chose dont peu de gens parlent : Le vin rouge a tendance à fatiguer, endormir, pour certaines personnes.
Quand, le vin blanc a tendance à exciter. Éveiller.
Vous voulez une preuve ?
Certaines personnes sont sensibles au vin blanc. Une amie et même mon papa ont quelques palpitations la nuit, après en avoir bu le soir. Et même des crampes.Ainsi, le vin blanc peut être envisagé après un vin rouge.
À la seule condition suivante:
Qu’il ne fasse pas regretter le vin rouge précédent.Ces quelques règles ne sont pas pas difficiles à suivre. Mais il va vous falloir les respecter le plus souvent possible.
Tout simplement, parce qu’elles vont vous aider à ne plus faire la moindre erreur, au niveau de l’ordre de service des vins.
Et ça, c’est déjà un point très important. Là où déjà tant de gens tombent dans ce piège.
Souvenez-vous, l’exemple terrible du foie gras et de son Sauternes servi en entrée… ou encore pire, le Champagne en dessert.
Deux fautes impardonnables qui sabrent un repas.
En respectant ces deux points-là, vous évitez les déconvenues.
- Maîtriser les échanges entre les saveurs
Cette étape est essentielle là encore, car elle permet de bien débuter votre accord.Vous le savez, chaque saveur ou élément d’un aliment réagit à sa manière à celui, autre, d’un vin.
Prenons l’exemple du tanin pour le vin. Et quelques autres.
Le tanin, au contact du gras, des ferments lactiques, des protéines du lait, va se durcir. Donnant une impression abrasive.
L’acidité d’un vin face au sucre d’un dessert paraîtra plus agressive encore. L’alcool du vin met en valeur l’aspect sucré d’un plat. Le sel d’un plat se combinera bien avec le tanin du vin.
Le sang d’une viande adore le tanin. Les épices durcissent le tanin
Vous avez là un envol de ces échanges. Les maîtriser vous permet : de ne plus faire d’erreurs grossières, d’entrevoir de meilleurs échanges entre les mets & les vins
Un exemple: Avec une viande rouge saignante, vous décidez d’opter pour un Haut Médoc 2014. Très bon choix! Le tanin va se lier à merveille avec le sang de la cuisson de la viande et son jus. Un accord superbe!
Mais attention!! Si vous proposez une sauce au poivre, là, votre accord ne sera plus aussi réussi.
Pourquoi?
Car le poivre va durcir le tanin, et la consistance de la sauce si elle est crémeuse, appuiera cette sensation.Soyez donc vigilant et prenez bien en compte tous les ingrédients du plat.
Pas de panique, j’aborde cet aspect un peu plus loin.
- Connaître tous les ingrédients, assaisonnements des plats
Cela paraît évident, et pourtant…trop d’erreurs peuvent être évitées si vous connaissez sur le bout des doigts les ingrédients, assaisonnement et modes de cuisson, texture des aliments.Tout simplement, parce que pour construire votre accord, vous allez devoir cibler le point d’ancrage principal, sans oublier les autres points d’ancrage, souvent secondaires.
S’ils sont au nombre de trois, il vous reviendra d’établir une hiérarchie entre eux.
Et c’est là que vous me posez la question : C’est quoi un point d’ancrage ?’
J’aborde cet aspect sur mes guides pratiques dédiés aux accords mets & vins.
Le point d’ancrage est un élément du plat, sur lequel vous allez vous reposer afin de construire votre accord. Il va permettre de construire une passerelle entre le plat et le vin.
Il vous reviendra donc de cibler le point d’ancrage principal et le secondaire.
Le point d’ancrage peut être:
- Une saveur dominante du plat
- Une texture
- Une épice
- Une herbe aromatique
- Une sauceIl peut prendre plusieurs aspects.Une expérience très éclairante. Afin d’illustrer cela, je vais vous raconter un immense défi qu’un client, devenu ami, m’avait lancé il y a quelques années.
« Monsieur Delmas, j’ai besoin de vous pour animer un dîner pour mes clients. 40 personnes.
J’ai un chef privé. Il fera 6 petits plats en mode amuse-bouche.
Et j’aimerai que vous proposez des accords avec.
Il y aura un Comté-Caviar pour débuter, une daube provençale, fromages etc…
Et…pas de vin blanc! Que du vin rouge. »
Sacré défi!Comment m’y suis-je pris?
J’ai appelé le chef et lui ai demandé tous les ingrédients, modes de cuisson. Avoir débuté par la cuisine m’a un peu aidé.
Je ne pouvais pas goûter les plats à l’avance.
Dur!Mais en connaissant tous les ingrédients, modes de cuisson, épices j’ai pu construire mes accords.
J’ai à chaque fois ciblé un point d’ancrage principal. Un autre secondaire.
Pour la daube, ce fut facile. Ingrédients d’herbes aromatiques, thym, olives… Je suis parti sur un vin rouge riche, suave.
Pourquoi? L’alcool du vin met en relief la fine caramélisation d’une longue cuisson. C’était le point d’ancrage principal. Venait ensuite l’olive et le thym.
Direction un terroir de garrigue, végétation d’oliviers et herbes aromatiques…
Gigondas 2007 (on était en 2015 de mémoire). Domaine du Pourra en bio.
Accord magistral ! Évident, très belle résonance.
Vin ancré dans son terroir, dynamique. Plat dans le sillage, l’un et l’autre se prenaient la main.Vous comprenez un peu la logique de cette construction?
Se caler sur les points d’ancrage pour créer une passerelle entre le plat et le vin + se rapprocher de l’environnement, du lieu, géographiquement.Avec le Comté et once de caviar, comment m’en suis-je sorti?
J’ai opté pour le Comté en point d’ancrage.
Comme mon client ne veut qu’un vin rouge, ça me semblait plus cohérent.
Il fallait donc un vin rouge patiné, aux tanins fondus.
Un vin peu coloré. Peu tannique.
D’Arbois, idéalement, afin de coller au lieu du fromage.
Le pâturage broute l’herbe qui pousse sur la même terre que la vigne qui donne naissance au vin.
Arbois rouge, domaine Puffeney 2008, cépage trousseau. Peu coloré, épicé, très peu tannique. Un vin rouge qui a une définition d’un vin blanc.
L’accord était là aussi remarquable!Avec ces deux exemples je veux juste vous révéler comment j’essaie de construire mes accords.
Ne l’oubliez jamais: dans le vin, tout est lié. Et même relié.
Ciblez le point d’ancrage principal, calez le vin sur lui. Prenez en compte également un autre élément du plat, si besoin.
Simple, efficace. Et ensuite, rapprochez vous géographiquement du plat.
- Rapprochez vous du lieu proche des ingrédients
La proximité géographique offre des accords plus intenses. Une résonance supplémentaire.Le Chablis avec le Chaource, l’accord est monumental. Remplacez le Chablis par un Jurançon sec, l’alliance sra toujours belle.Mais il manquera ce lien indéfectible. Cette étincelle amène l’accord plus loin.Vous voyez, tout cela semble si simple, et ça l’est! Le bon sens, encore et toujours.
Soyez curieux, observateur. Et vous irez toujours plus loin.
Comment expliquer cela?
Peut-être simplement, que le pied de vigne se nourrit d’un sol qui lui-même profite d’une végétation qui elle-même nourrit et se nourrit du même lieu.Tout est lié. La garrigue pousse, les oliviers aussi, le thym, les herbes aromatiques évoluent autour du vignoble?
Le vin dévoile des notes de fruits mûrs, de tapenade d’olive, et de garrigue…notamment quand le vigneron respecte son lieu. Bio souvent, ou qui ne s’en est jamais éloigné.
Il y a souvent certains échos, certaines résonances. Se reposer là-dessus est un gage de succès.
- Mâchez le vin !
Dernier point, c’est la salive qui donne le goût aux aliments, en bouche.Sans elle, pas de goût!
Or, bizarrement, on nous apprend encore à grumer le vin. Erreur fatale qui ne permet pas d’entrer en contact avec le vin.
Mâchez le vin et votre vie changera à jamais!
Mon client plus haut, implantologue, m’a conforté là-dessus en me délivrant une précieuse formation sur la physiologie du goût.
J’éditerai un article Premium sur ce sujet central prochainement.
J’aborde ce sujet dans le guide pratique des accords régionaux et mon livre d’ailleurs.
Le vin est un aliment comme un autre.
Pour activer le goût et le toucher, vous allez devoir mâcher le vin. C’est-à-dire, mélanger votre salive avec le vin.
La lumière va enfin s’allumer. Tout va changer.
En grumant, vous ne captez que 30% du vin, vous passez à côté de lui. Logique, il reste au bord des lèvres, en périphérie.
En mâchant le vin, vous entrez en contact avec la matrice du vin.
Et ça change tout. Faites le test. Et surtout, vous serez enfin capable d’aller plus loin dans vos alliances mets & vins.
Vous jouerez avec les textures, les saveurs, les goûts.
Là encore, le bon sens fait…sens!
La « mâche » du vin est l’un des termes les plus anciens, de la dégustation.
Ce n’est pas pour rien. Je n’ai, évidemment strictement rien inventé.
- Éviter les mets réfractaires aux vins Enfin, pour clore ce long article exclusif, il est vital de connaître les mets réfractaires aux vins. Afin de ne pas compromettre vos accords.Les épices fortes, piments, le citron, le fromage blanc, les yaourts, posent de sérieux problèmes. Selon, naturellement leur teneur et leur quantité.
Une once d’épice si elle est maîtrisée et offre une harmonie à un plat ne sera pas rédhibitoire toutefois.
Il vous reviendra donc de juger cet équilibre. Et de réagir en conséquence.