Henry Marionnet
Rencontre avec Henry Marionnet, vigneron en Touraine
L’association Winestory a accueilli pour un déjeuner dégustation Henry Marionnet le 3 Avril dernier, au restaurant l’Antre amis ; et le 29 Avril pour une dégustation à thème.
Le Domaine de la Charmoise (http://www.henry-marionnet.com) comprend environ 60 hectares situés au sud de Blois, dans la partie orientale de la Touraine. Le domaine est en très grande majorité planté de Gamay noir à jus blanc pour les vins rouges et de Sauvignon pour les vins blancs. Toutes les cuves sont en inox. Chaque vinification est particulière : Henry Marionnet adapte sa technique à chaque vin, se refusant à toute uniformisation. La particularité la plus exceptionnelle du domaine tient à ses vignes avec une des plus vieilles vignes de France puisque les pieds ont résisté au phylloxera. Henry Marionnet a choisi de cultiver 10% de son vignoble en vigne « franc de pied », ce qui l’expose à un risque permanent si ses vignes sont tout à coup attaqués par le phylloxéra.
« Franc de pied »
L’expression désigne des vignes qui n’ont pas été greffées lors de leur plantation. La technique de greffage est une conséquence de la crise phylloxérique à la fin du XXème siècle. Une véritable peste s’était alors abattue sur les vignobles : des centaines de milliers d’hectares avaient été ravagés. Seules des régions aux sols sablonneux ou naturellement isolées ont été épargnés. Le phylloxéra est un insecte originaire d’Amérique du Nord ; en descendant en terre, il inflige des morsures mortelles aux racines des vignes. Sans recours chimique efficace pour lutter contre ce fléau, les scientifiques de l’époque ont eu l’idée de greffer les cépages français sur des vignes ayant développé des résistances : c’est-à-dire l’espèce américaine de la vigne.
Son travail est reconnu par l’ensemble de la presse nationale et internationale ; le guide Parker note par exemple que le Provignage Vin de pays du jardin de la France 2000 se caractérise par une « puissance, une profondeur et une longueur exceptionnelles ». Le guide des vins de France relève « qu’Henry Marionnet est l’un des vignerons les plus attachants de France et l’un des producteurs des vins les plus sincères qui soient ». Il est aussi l’inventeur du « Touraine Primeur ».
Une vigne pré phylloxérique
François 1er a amené en 1519 à Romorantin un cépage blanc originaire de Bourgogne, descendant du gouais (cépage médiéval aujourd’hui disparu) et du pinot noir. Faute de disposer d’un nom, ce cépage a pris celui de sa première implantation et il est désormais connu comme « Romorantin ». Les vignes de cette parcelle ont été plantées dans les années 1850. Ce cépage très vigoureux, reste surprenant de vigueur malgré ces 150 ans, au point qu’il faut certaines années faire des vendanges en vert ! A ce jour, rien ne permet d’expliquer avec certitude pourquoi ces vignes ont résisté au phylloxéra.
Sa méthode de vinification
Vins rouges
Le but d’Henry Marionnet est « de faire ressortir le fruit car c’est mon terroir et c’est moi-même ». Il a souvent souligné qu’il fait « les vins qu’il aime ». En règle générale, la vinification est faite à partir de vendanges égrappées, c’est-à-dire que les baies sont séparées de la rafle (partie ligneuse de la grappe). Les baies sont ensuite foulées puis mise en cuve pour fermenter (environ 15 jours en Bourgogne et un mois à Bordeaux)
Contrairement à ces pratiques, Henry Marionnet privilégie une cueillette à la main dans de petits paniers avec un tri attentif de toutes les grappes, aussi soigneusement que s’il s’agissait de raisin de table. On remplit alors les cuves avec ce raisin intact pour que le jus fermente individuellement dans chaque grain, décolorant progressivement la peau (il s’agit alors de fermentation intracellulaire).
Cette méthode de vinification était autrefois assez courante dans le beaujolais, mais désormais la plupart des vignerons préfèrent utiliser une méthode de vinification plus traditionnelle en ajoutant des levures sélectionnées pour la réalisation des beaujolais primeurs.
Par ailleurs, la technique traditionnelle exige d’ajouter du soufre pour éviter que le vin ne se transforme en vinaigre. Il convient d’ailleurs de noter que le processus de fermentation dégage naturellement un peu de soufre. Henry Marionnet réussit à produire des vins sans aucun ajout de soufre de façon à conserver l’idiosyncrasie du raisin. Cela suppose une hygiène et une rigueur irréprochables. En ce qui concerne le soufre, pour afficher la mention « sans soufre », il faut que le vin contienne moins de 10 mg de soufre ; or la production naturelle atteint souvent 4 à 5 mg. Pour respecter la réglementation, il faut donc renoncer à tout ajout.
Vins blancs
« On s’adapte à chaque millésime »
Henry Marionnet a aussi pour les vins blancs une approche très personnelle. Tout d’abord, il est intransigeant sur la maturité du raisin : il ne supporte pas le caractère végétal que l’on retrouve trop souvent dans des sauvignons pas assez mûrs.
Henry Marionnet utilise différentes méthodes de vinification pour les vins blancs de la plus traditionnelle (pressage traditionnel) à la plus novatrice (fermentation intracellulaire grappes entières en cuve comme pour ses vins rouges). Il peut également sur une même cuvée faire un assemblage avec des cuves qui n’ont pas été vinifiées de la même façon.
Henry est un pragmatique qui ne veut se fermer aucune porte : c’est le millésime qui commande, il n’a pas de recettes toutes faites. Les seuls éléments qui n’ont pas le droit de cité dans son chai sont les barriques. Henry nous le rappelle « je suis le premier consommateur de mes vins donc je fais des vins que j’aime ». Il aime les vins fruités, souples et digestes voila pourquoi, après de nombreux essais, il reste convaincu que l’élevage en fûts n’est pas bénéfique pour ses vins. Et n’oubliez pas cette maxime : « En Touraine, il y a plus de vieux vignerons que de vieux médecins ».
Au final, Henry Marionnet a expliqué que « la vigne c’est mon enfant. Si vous voulez qu’il soit heureux, il faut en prendre soin et ne pas hésiter à le soigner en cas de besoin ». Refusant tout dogmatisme, il considère devoir s’adapter à chaque situation pour donner au vin la possibilité de se dévoiler dans les meilleures conditions.
Henry Marionnet aime boire ses vins plutôt frais, 7 à 10° pour les blancs, 10 à 15° pour les rouges.
Lors des 2 séances, les membres de l’association Winestory on pu goûter huit vins : Sauvignon 2009, Chenin vinifera 2009, M de Marionnet 2009, Gamay 2008, Gamay de Bouze 2008, Première vendange 2008, Gamay vinifera 2008, Côt vinifera 2007