Vin et fromage
Etes-vous prêts à bousculer les idées reçues ?
Je vous invite à lire ce qui suit, afin que l’accord vins et fromages ne soit plus un problème pour vous. Ces accords sont juste naturellement simples, aisés à réaliser en revenant à la source. Pourtant, si il y a bien un accord essentiel, et qui déchaîne les passions, c’est bien l’accord vins et formages.
Depuis toujours, nous autres sommeliers, attendions ce moment propice pour la vente d’un très grand vin, lequel était toujours dévolu aux fromages. Quelle hypocrisie, de notre part. Soit, effectivement, le sommelier est incompétent, ou simplement ignare, j’ose espérer qu’il n’en existe pas, soit il est…un peu malhonnête.
Un très grand vin se suffit à lui-même, un fromage ou un mets extraordinaire aussi.
L’idée reçue : Le vin rouge et le fromage
Ah, ce que j’aimerais connaître la personne qui a osé émettre cette saugrenue idée. Le meilleur vin se garde en fin de repas, si possible, le plus joli vin rouge sera réservé au plat de résistance, et le fromage sera accompagné soit de celui-ci, ou plutôt des vins blancs moelleux, secs ou demi-secs.
Le vin rouge, après moult tentatives, sur différents fromages, ne m’a jamais convaincu. Les tanins, son acidité, ses arômes, sa structure, font qu’il me semble un rempart. Une fois le vin avalé, la rétro olfaction offre un goût peu confortable.Le gras du fromage se heurte aux tanins. Ceux-ci se révélant serrés, fermes. Ne laissant passer rien de bien agréable en persistance.
Pourquoi cette idée saugrenue alors ?
La piquette ?
Il me semble qu’il y a bien quelques dizaines d’années en arrière, nos chers paysans buvaient le vin boisson nommé « piquette ». Rien de trop péjoratif puisque celle-ci n’était autre qu’un « vin » rouge très clair, dénué de tanins, ou du moins peu tannique, à la couleur claire, titrant à peine 7/8° d’alcool. Obtenu par passage de l’eau sur le marc de raisin avant le pressurage. La piquette accompagnait bien souvent le paysan dans son travail dans les champs.
A table, c’est donc tout naturellement que ce vin rouge très clair, dépouillé de tanins et peu alcoolisé accompagnait le repas. Souvent, d’ailleurs constitué de plats aussi divers et variés, que le pain, le pâté, la charcuterie, que la viande et le poisson, la soupe ou le potage, et le plateau de fromages. La « piquette » tenait ainsi place centrale à table dans nos campagnes. Surtout que celle-ci, dénuée de tanins, claire et relativement souple et fluide faisait montre d’une polyvalence bienvenue.
Je pense ainsi que ce « vin rouge très clair », a perpétué cette tradition, même si on sait tous très bien que le vin rouge de nos jours n’a plus grand chose à voir avec la « piquette ». Macération longue, couleur plus soutenue, tanins plus fermes, titre alcoolique plus élevé, structure plus imposante, nos vins rouges d’aujourd’hui n’ont plus les mêmes ossatures qu’une « piquette » qui était en son temps bien polyvalente.
Le vin blanc
Le fromage de Chèvre
Le vin blanc, est plus polyvalent, élégant, rond, minéral et confortable. Un fromage de chèvre, se délectera d’un vin blanc, frais, expressif, et d’une longue acidité. Ainsi, le cépage sauvignon, répondra à ses avances. Le Valençay, par exemple, accompagnera un vin de Sancerre, ou de Pouilly-fumé. Que dire d’un Crottin de Chavignol, prenant sous le bras un Sancerre blanc de Chavignol, justement ?
L’expression très fruitée, et très acidulée, de ces vins, permet au fromage de chèvre, de s’exprimer, et l’échange est en tous points remarquable.La persistance offre fraicheur et ravive la bouche.
Le Comté
Lui, lorgnera sur un vin plus authentique, puissant, gras, fumé, ayant du répondant.
Ainsi, un vin du Jura, tel l’Etoile, ou un Côtes du Jura, issu du cépage chardonnay et savagnin, de par ses arômes de fruits mûrs, et de noisettes, ses pointes fumées, convolera en justes noces avec ce fromage exquis. Sans parler, dans le cas d’un Comté longtemps affiné, d’un Château Chalon ou d’un Vin Jaune. Accord en tous points idéal !
Pour les fromages persillés
Tels le Roquefort, Fourme d’Ambert, un vin moelleux, voire demi-sec, issu d’un cépage chenin, tel le Vouvray, Montlouis, vous raviront à jamais.
Sans parler des vins de Sauternes, des vins liquoreux alsaciens, ou même des vins de Maury, de Porto, sur le Roquefort. La persistance extraordinaire de ces vins vous offriront une fin de repas spectaculaire, d’autant plus si vous le prolonger d’un dessert au chocolat.
Fromages de brebis
L’ossau Iraty, révèle toute sa finesse, avec un vin de sa région. Surtout pas brusqué, bien au contraire, toujours cajolé, avec un vin blanc sec de Jurançon. Etonnante combinaison ? Elle n’étonnera personne, finalement. De la fraicheur, tension, une aromatique idéale avec ce fromage fleuri et plein de finesse.
Conclusion
Vous comprendrez très aisément, une fois approché le vin blanc sur le fromage, mon point de vue.
Les exemples ne manquent pas, et je vous laisse le soin d’expérimenter ces délicieux accords vins et fromages afin de vous convaincre définitivement sur le bien-fondé de ces accords.
La corrélation entre le fromage (provenant du lait, résultant d’un herbivore s’étant nourri de l’herbe d’un sol donné), et le vin de la région ayant accueilli cet herbivore (raisin nourri lui aussi par le même type de sol) semble évidente.
Quand je pense que certains s’étonnent de la très grande difficulté de marier les fromages normands…ils trouveront désormais leur réponse dans le simple fait que malheureusement, la Normandie n’accueille aucun vin. Après tout, cela n’est qu’une question de goût…mais oser le vin blanc, c’est définitivement l’adopter sur le fromage.
Emmanuel Delmas – Sommelier